Le jeu de rôle informatique a produit un grand nombre de classiques, comme Ultima 4, Final Fantasy 6, Planescape: Torment, Knights of the Old Republic ou encore Oblivion. Il reste très populaire, comme le montre le succès planétaire de Skyrim. Ces dernières années, on vu d'autres genres lui emprunter des éléments considérés comme typiques. Plus un FPS ne sort sans un système de classes et d'expérience. Et des jeux comme Deus Ex ou Bioshock poussent très loin la customization du personnage. Pourtant, malgré son ubiquité, le genre "jeu de rôle" n'existe qu'à travers un gros malentendu. En effet, pour à peu près tout le monde, l'essence d'un jeu de rôle, c'est ça:
Une feuille de personnage, un inventaire. Une classe, des niveaux, des attributs, des stats, du loot... Cette idée remonte à un péché originel: Dungeons & Dragons, qui a établi ces paradigmes dont l'objectif était de permettre de simuler le monde dans lequel les personnages évoluent. Mais tout ce bazar mathématique ne servait que de guide, pour donner aux joueurs un meilleur sens du possible et de l'impossible, pour leur donner une idée de la progression des personnages au fur et à mesure qu'ils s'endurcissent. L'essence du jeu ne situe pas dans une série de nombres sur une feuille, mais dans la possibilité de vivre une aventure interactive et ouverte (à part pour les grosbills). Le but de ces jeux étaient d'être un acteur du monde, c'est à dire de prendre les décisions que l'on juge appropriées et d'en subir les conséquences.
Quand le jeu de rôle a été porté sur ordinateurs et consoles, tout ce bagage statistique l'a suivi, avec les mêmes objectifs. Malheureusement, la nature ouverte et improvisationnelle du jeu a été laissée derrière, faute de capacités techniques Et sur nos machines, jeu de rôle est devenu plus synonyme de statistiques que de choix. La plupart des jeux de rôle modernes se contentent de fournir une trame linéaire, sans véritable possibilité d'en changer le cours. Pour masquer ce déterminisme, ils utilisent divers artifices. Quêtes secondaires optionnelles, monde ouvert, mais statique, ou encore de faux choix, Bioware étant passé maître dans cet art de la poudre aux yeux. Grâce à des talents indiscutables dans la mise-en-scène, ils arrivent à présenter au joueur des décisions vraiment poignantes: qui doit mourir? Qui trahir? Sauf que la réponse choisie n'a aucune importance. Knights of the Old Republic laisse le joueur libre de suivre le chemin de la Lumière ou du Coté Obscur, l'amenant soit à être le sauveur de la République ou le nouveau Seigneur des Sith. Grandiose. Mais cela ne change rien au jeu. Mêmes lieux visités, mêmes personnages combattus... Seules quelques différences marginales affectent l'expérience.
Bethesda construit de vastes mondes, remplis de personnages, de monstres, de cryptes et de grottes. Mais les interactions restent 100% scriptées et les quêtes linéaires. Le joueur est libre d'aller à droite ou à gauche, mais pas beaucoup plus. Enfin, on ne parlera pas des J-RPG complètement linéaires ni des MMORPG qui tiennent plus du parc d'attraction que du monde vivant.
Tout ceci ne signifient pas que ces jeux sont mauvais, loin de là. Ils peuvent offrir des expériences ludiques de grande qualité. Mais il est dommage que le jeu de rôle ait seulement évolué soit vers un type d'aventure ultra-scénarisée, soit vers des bacs-à-sable finalement dépourvu de substance. Bien entendu, il existe des exceptions, comme les deux Witchers de CDProjekt ou le très inégal Alpha Protocol d'Obsidian.
Toutefois, si ces jeux sont remarquables pour leur effort vers une structure moins pré-déterminée, ils sont encore très loin d'offrir un véritable monde organique comme on en rêverait. Au mieux, on trouve une aventure type "llvre dont vous êtes le héros". Après les progrès fulgurants sur le plan visuel, on peut espérer que le futur nous apportera une transformation similaire de l'IA, pré-requis pour la création d'une vie artificielle capable d'une vraie interaction avec le joueur. Alors, on pourra parler de jeu de rôle.
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